La législation française prend les devants par rapport à cette pratique commerciale : à partir du 1er juillet 2024, les supermarchés français de plus de 400 m2 devront informer de manière visible et lisible leurs consommateurs lorsqu’un produit voit son poids évoluer à la baisse sans que son prix ne suive la même courbe (soit directement sur l’emballage, soit sur une étiquette affichée à proximité immédiate du produit).
Cette actualité nous amène à nous pencher sur cette “astuce” commerciale qui permet principalement aux fabricants de faire face à l’augmentation de leurs coûts de production : la “Shrinkflation” (du terme anglais “shrink” – réduire) ou “Réduflation” est-elle une pratique encore marginale ou déjà une tendance de fond ? Et en Belgique : une loi similaire à celle de nos voisins français sera-t-elle aussi bientôt à l’ordre du jour ?
Un phénomène d'ampleur ?
En avril dernier, le site Rtbf.be proposait un décryptage intéressant sur la question, faisant suite à un sondage Ipsos à travers lequel 43% des sondés belges affirmaient leur impression que de nombreux produits diminuaient en quantité, pour un prix resté équivalent.
Dans son enquête, la RTBF a donc cherché à évaluer l’ampleur – réelle ou non – du phénomène, en passant à la loupe, grâce à l’IA, 6.000 pages de folders publicitaires, soit 3 ans de publicité pour une enseigne choisie de grande distribution.
Au terme de cette analyse, un peu plus de la moitié des articles/produits scannés semblaient concernés.
Les résultats ont été soumis à l’avis et l’éclairage de différents spécialistes issus des organisations représentant le secteur de la production ou encore de la protection des consommateurs. Voir le détail
Quel cadre légal ?
En Belgique, la “réduflation” ne fait l’objet d’aucune interdiction : pour autant que la quantité renseignée sur l’emballage corresponde à la quantité réelle et que le client dispose du prix de vente brut ainsi que du prix du produit rapporté à son unité de mesure (un prix au kg, par exemple), cette pratique commerciale n’est pas considérée comme trompeuse.
Les fabricants et distributeurs ne sont en aucun cas obligés d’indiquer explicitement un changement dans la quantité/le poids du produit dans son prix à l’unité de mesure. C’est donc au consommateur final d’être attentif et de faire ses petits calculs comparatifs.
En la matière, la législation belge est conforme au cadre européen, puisque la “shrinkflation” n’est pas reprise clairement dans la directive qui liste en encadre les pratiques commerciales déloyales.
Néanmoins, puisque la France agit, la question se pose à nouveau auprès de nos responsables politiques : notre ministre de l’Economie et notre secrétaire d’État à la Protection des consommateurs ont soumis le projet d’arrêté français à l’avis du Conseil central de l’Économie, un comité au rôle consultatif qui rassemble des experts issus des associations de protection des consommateurs (Test-Achats) mais aussi du secteur de la production (Fevia) ou encore de la distribution (Comeos).
A ce stade, faute d’informations objectives et chiffrées sur le phénomène en Belgique, le comité n’a pas été en mesure de remettre un avis clair sur la question et s’est cantonné à quelques pistes et réflexions sur cette nouvelle loi française, pointant notamment la charge administrative supplémentaire qu’elle induira pour les fabricants. Le Comité central de l’Economie met aussi en garde contre le possible effet pervers de cette nouvelle législation française, qui pourrait conduire à “stigmatiser” les produits faisant l’objet d’une réduflation, quand bien même leur prix à l’unité de mesure augmenterait moins ou resterait inférieur à celui d’autres produits concurrents.
Tous les types de produits concernés ?
La réduction de la taille d’un produit est une stratégie que les fabricants mettent en œuvre pour contrer ou pour anticiper la hausse de leurs coûts de production.
Cette pratique est davantage utilisée par les grandes marques et entreprises car elles en bénéficieront plus rapidement : lorsqu’on produit en grande quantité, une petite diminution de grammage pour chaque emballage aura très vite un grand conséquent.
En outre, plus les produits sont transformés, plus cette pratique sera facile à appliquer et plus difficile à discerner spontanément pour le consommateur final. Mais attention aux conclusions trop hâtives : une différence de grammage ou de taille peut aussi trouver son explication dans un changement de composition (remplacement de certains ingrédients par d’autres composants, parfois plus vertueux).
Après la "Shrinkflation", la "Stretchflation"...
La “Stretchflation” – du verbe anglais stretch, “étirer” – consiste, pour les fabricants de produits de grande consommation, à augmenter le poids d’un produit mais aussi son prix de manière disproportionnée.